Tandis que résonnaient le battement régulier du clou fixant la planche et que les cris des majordomes rythmaient les tâches des serviteurs, résonnait à l'entrée de la cité magicienne le trot d'un troupe montée. Apparut alors aux yeux des gardes celui dont le visage atrocement mutilé et aux lèvres manquantes était recouvert de moitié par un ténébreux heaume qui cachait un regard que l'on imaginait terrible. Cette silhouette rachitique et altière était voilée derrière un noir manteau dont les pans glissaient sur les flancs de son lugubre destrier. Accompagné de gens d'armes encapuchonnés tout de noir et aux visages masqués de fer qui faisaient office de valets, la Bouche d'Indoril vint ainsi représenter son maître au festin annoncé.
Aux gardes qui , après une légère hésitation, lui sommèrent de décliner son identité, il se contenta de pencher légèrement la tête tout en faisant un geste de ses longs doigts osseux pour une fois gantés. Alors l'un des valets brandit haut la bannière au poing noir et dit d'une voix calme et ferme :
Par la volonté de notre maître le Seigneur des Tempêtes et Roi de Fer, son serviteur que voici le représentera au cours de cette soirée à laquelle, à moins d'un changement, il ne pourra lui même participer. Le Maître d'Indoril tenait toutefois a symboliser sa présence et son attachement à votre amitié. C'est également pour honorer notre entente qu'il a fait envoyé quelques tonneaux de vieux crus de Dorwinion, le vin de Nargothrond la défunte, royaume d'Earnil, père de notre maître.
Sur ce les gardes laissèrent passer, et l'équipage arriva sur les lieux de la fête costumée. Et tandis que les valets encapuchonnés déchargeaient les tonneaux qui suivaient de peu leur chevauchée, la Bouche d'Indoril marchait au travers des tables du banquet, dans cet atroce rictus qui pouvait être sourire ou souffrance...